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« UN SYSTÈME HERBAGER MALGRÉ DES CONDITIONS PAS IDÉALES »

PHOTOS: P.LC.

Malgré un parcellaire éclaté et une pluviométrie limitée, Christelle et Fabrice Charles ont réorienté leur système vers le pâturage. Avec succès.

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LA CRISE DE 2009 A ÉTÉ, POUR NOUS, UN DÉCLIC », se souvient Fabrice Charles. Installé en 1998 et rejoint par son épouse en 2005, il a d'abord adopté le système intensif mis en place par ses parents avant lui : 22 ha de maïs, 12 ha de céréales et 18 ha d'herbe, pour une ration basée sur l'ensilage de maïs. « Je ne savais pas gérer les pâtures », poursuit l'éleveur.

L'installation de Christelle a imposé le développement d'une nouvelle activité, faute de pouvoir obtenir davantage de quota. Ce sera un atelier de veaux de boucherie nourris au lait entier. « Nous en vendions quatre-vingt par an et nous produisions 400 000 l de lait. Nous travaillions comme des fous pour un salaire de misère. Nos trois enfants ne nous voyaient plus », renchérit Christelle.

En 2009, le couple peine à dégager un revenu, la trésorerie se tend, tout comme les relations avec la banque. Les éleveurs se remettent en question, s'interrogeant même sur l'opportunité de quitter le métier. Membres d'un groupe Atout lait, ils ont l'opportunité de visiter des exploitations dont certaines en système herbager. Elles semblent résister mieux à la crise. « Nous avons demandé conseil à la chambre d'agriculture qui nous a renvoyés versle Cedapa(1). Une animatrice, Nathalie Gouerec, a réalisé un diagnostic qui nous a convaincus d'évoluer dans ce sens. » Le comptable a lui aussi apprécié la cohérence du projet qui supposait d'arrêter la production de veaux de boucherie.

« UNE FORTE SENSIBILITÉ À LA MÉTÉO »

Pourtant, les conditions de l'exploitation ne sont pas franchement favorables à l'herbe. Le parcellaire est éclaté et la pluviométrie atteint à peine 700 mm/an. En outre, les éleveurs ne maîtrisent pas la conduite de l'herbe. Ces difficultés ne les ont pas arrêtés. « Nous avons mis à plat le parcellaire pour augmenter la surface accessible par tous les moyens », témoigne Fabrice. Toutes les parcelles proches sont devenues des prairies.

L'aménagement de chemins a facilité les accès. Enfin, pour gratter la surface permettant de monter à 42 ares accessibles par vache, les éleveurs ont décidé de faire pâturer jusqu'à 1,2 km de l'exploitation.

Pour se former, ils ont intégré un groupe du Cedapa. Et dès la fin 2009, ils ont commencé à installer des prairies derrière le maïs. « Nos vieilles pâtures ne produisaient pas grand-chose, faute d'entretien », précise Fabrice. En trois ans, ils ont mis en place 24,5 ha de nouvelles prairies, toutes accessibles aux laitières. Un investissement assez élevé (150 €/ha pour les semences), mais qui devrait s'amortir dans le temps.

En période de pousse, l'animateur du Cedapa se déplace une fois par mois pour aider les éleveurs. Petit à petit, ils progressent. « Le travail, très différent, nous convient mieux, analyse Fabrice. Il faut sans cesse évaluer la pousse, les stocks, et toujours anticiper tout en se montrant opportuniste. Le système est dépendant de la météo et il faut être prêt à valoriser l'herbe au moment où il y en a. » En théorie, les éleveurs peuvent compter sur 697 mm d'eau par an. Mais ils viennent d'enchaîner deux printemps secs et cette année, la pousse s'est arrêtée fin septembre. « Au printemps, nous avons débrayé plusieurs parcelles pour la fauche. Et puis, la sécheresse précoce a stoppé les repousses. Nous avons donc fauché ces stocks devant les vaches et elles les ont consommés au champ. Il n'y a pas eu de perte. », Précise Fabrice. Il a préféré cette solution car la récolte et la distribution coûtent cher. Le silo a été fermé début mai. Mais il a fallu le rouvrir dès le 1er octobre.

« DU CROISEMENT POUR ADAPTER LE TROUPEAU »

« Nous sommes désormais sur une stratégie de coût et non plus de volume », explique le couple. Ils ont récolté 50 balles d'enrubanné et 15 ha de maïs ensilage, ce qui devrait suffire pour passer l'hiver sans achat. Ils produiront éventuellement plus de lait en fin de campagne, si le printemps est précoce. La réalisation du quota ne leur paraît plus prioritaire. En revanche, ils ont calculé que le chargement ne doit pas dépasser 1,3 pour résister aux années climatiques défavorables. Aujourd'hui, il se situe à 1,5. Leur priorité est de le réduire. Ils vont donc cesser de garder tous les animaux. « Cette année, nous avons réalisé 30 IA en race jersiaise sur les vaches en espérant obtenir 15 génisses «kiwis». Les mâles ne vaudront rien. Mais les autres vaches sont inséminées en race blanc bleu parce que ces veaux se valorisent autour de 1 300 . » Quant aux génisses, dix environ sont inséminées en holstein pour être vendues pleines avant l'été. Cinq autres seront accouplées avec des jersiais.

Ce changement de race plus de lait en fin de campagne, si le printemps est précoce. La réalisation du quota ne leur paraît plus prioritaire. En revanche, ils ont calculé que le chargement ne doit pas dépasser 1,3 pour résister aux années climatiques défavorables. Aujourd'hui, il se situe à 1,5. Leur priorité est de le réduire. Ils vont donc cesser de garder tous les animaux. « Cette année, nous avons réalisé 30 IA en race jersiaise sur les vaches en espérant obtenir 15 génisses «kiwis». Les mâles ne vaudront rien. Mais les autres vaches sont inséminées en race blanc bleu parce que ces veaux se valorisent autour de 1 300 . » Quant aux génisses, dix environ sont inséminées en holstein pour être vendues pleines avant l'été. Cinq autres seront accouplées avec des jersiais. Ce changement de race aller au bout de leur logique et concentrer les vêlages sur le printemps afin de produire du lait à moindre coût.

L'an prochain, l'assolement va encore évoluer. Afin d'améliorer l'autonomie alimentaire, la surface en maïs va tomber à 7 ha. Un mélange céréalier (triticale, pois, vesce, avoine) sera implanté sur 7 ha. Il s'agit aussi d'éviter la monoculture de maïs sur les parcelles éloignées. Fabrice ne sait pas encore sous quelle forme ils récolteront ce fourrage. Les éleveurs conserveront 1 ha de blé et devront acheter de la paille, ce qui ne pose pas de problème.

Pour sécuriser encore plus leur système par rapport aux incidents climatiques, les éleveurs voudraient disposer de 50 ares de prairie accessibles par vache. La seule possibilité réside dans des échanges avec les voisins. L'exploitation se trouve dans le bassin-versant de Saint-Brieuc où en principe, les échanges parcellaires sont encouragés pour aller vers des systèmes plus respectueux de l'environnement. « C'est compliqué, souligne Christelle. Nous avons tendu la perche et espérons avancer, sachant que ce sera forcément long. »

« VARIER LES ESPÈCES POUR RÉSISTER AUX ALÉAS »

L'évolution va donc se poursuivre et les éleveurs ont encore bien des questions en tête. Comment garder des prairies productives longtemps ? « Nous ferons peut-être des rotations courtes, en semant un colza après une prairie retournée au printemps. Les vaches pourront le pâturer et cette culture pompe beaucoup d'azote. La betterave pourrait aussi être intéressante entre deux prairies. » Reste à trouver les espèces qui permettent le mieux de résister aux incidents climatiques, comme la sécheresse 2011. Le ray-grass anglais-trèfle blanc montre ses limites dans ce contexte. « Le mélange ray-grass hybride-luzerne s'est bien comporté cette année dans les parcelles sécantes. » Enfin, sécuriser le système implique aussi de disposer d'une annuité en réserve. Ce changement de système a redonné de l'enthousiasme au couple. Les résultats économiques se sont améliorés et le troupeau est en bonne santé. La simplicité de la conduite facilite le remplacement et ils ont pu prendre des vacances cet été, pour la première fois.

PASCALE LE CANN

(1) Cedapa : centre d'étude pour un développement agricole plus autonome. www.cedapa.com

Les bienfaits de l'été humide n'ont pas duré et mi-octobre, les pâtures sont de nouveau sèches.

En aménageant des chemins et en pâturant jusqu'à 1,2 km de l'exploitation, les éleveurs ont réussi à monter à 42 ares accessibles par vache.

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